lundi 27 février 2017

« De fer et d’acier » ou la Symphonie N°2 de Prokofiev


Sergueï Prokofiev composa sa Deuxième symphonie entre 1924 et 1925. Le musicien russe habitait alors à Paris, une ville dont il appréciait l’effervescence artistique. Ce climat favorable aux Arts l’encouragea à écrire une symphonie ultra-moderne, destinée à créer un scandale similaire à celui du Sacre. Ce fut un échec car la presse ne relaya pas l’évènement. Pourtant, la création de l’œuvre se fit dans l’incompréhension la plus totale. Le compositeur lui-même reconnut : « La complexité de cette musique est telle que je n’en saisis pas le sens ». Malgré cela, cette symphonie « de feu et d’acier » (selon le mot de l'auteur) demeure l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la musique moderne. En effet, il s’agit d’un véritable manifeste en faveur de l’esthétique constructiviste. De plus, la force visionnaire de ses deux grands mouvements la place aux côtés de Pacific 231 ou de Fonderie d’acier.


Analyse succincte :

 

1) Allegro ben articulato


Le premier mouvement est une forme sonate construite dans les règles de l’art. L’exposition commence très violemment, par une fanfare tonitruante. Tout le début de la symphonie est marqué par ce thème aigu et lancinant. Il débouche sur une toccata qui met en valeur le piano dans l’orchestre (à partir de 1'52). Les contours sont anguleux et les sonorités acides. C’est là qu’arrive le second thème, un sombre choral de cuivres joué par-dessus les bribes de la toccata précédente.

Portrait de Prokofiev peint en 1926 par Zinaïda Serebriakova
Prokofiev en 1926

Les cordes crépitent et amorcent le développement. Arrive à 3'41 une puissante explosion orchestrale, dominée par les trompettes et les timbales. Évoquant le rythme infernal d’un moteur, elle me fait toujours songer à une chevauchée mécanique. Le développement se poursuit et s’intensifie : son point culminant est marqué par des glissandos de cuivres et condense tout le matériau sonore précédent, dans un chaos savamment organisé (aux alentours de 6'50).

La reprise est marquée par le retour du thème motorique (à 9'41). Le second thème est transfiguré par des accords dissonants joués aux trombones. Puis les trompettes hurlent la fin de cette première partie qui à elle seule justifie le surnom de la symphonie. En effet, il s’agit bien d’un morceau dur comme le fer et incandescent comme l’acier qui sort des hauts-fourneaux. Comment ne pas songer à l’atmosphère d’une usine sidérurgique ?

2) Tema con variazioni


Le second mouvement commence par la présentation du thème, une mélodie douce et rêveuse confiée au hautbois (à partir de 11'31). Le contraste avec le premier mouvement est énorme : ici tout est calme et semble immobile. La première variation (à partir de 13'40) perpétue cette ambiance puisqu’il s’agit d’une douce métamorphose, bercée par un tempo lent. La partie suivante (15'15) est plus rapide : dominée par les trompettes et les cordes, elle débouche sur des accords syncopés aux cuivres. Elle s’achève sur le scintillement des cymbales. La troisième variation (17'48) est un passage énergique : l’atmosphère se fait menaçante et se rapproche de celle du premier mouvement. Toutefois, la violence reste contenue et n’atteint pas les sommets de la première partie. Une ambiance feutrée et sombre, presque envoûtante, domine la quatrième variation (à partir de 19'58). Sa tranquillité mystérieuse (voire mystique) paraît incongrue au milieu de cette symphonie « de fer et d’acier ». La variation qui suit (24'50) est plus exubérante : les rythmes lourds et victorieux y représentent l’habituelle joie de vivre du compositeur. Ces passages solennels alternent avec de brusques emportements, teintés d’un optimisme communicatif. Comme dans nombre des variations précédentes, le thème est méconnaissable. La dernière variation (à partir de 27'25) est marquée par les sonorités graves des contrebasses. L’atmosphère s’éclaircit au fur et à mesure, avant l’entrée en scène des vents. Cependant, la tension est toujours là… Elle monte jusqu’à l’apothéose qui unit les différents thèmes de l’œuvre. Celle-ci permet d’unifier la symphonie en mêlant les atmosphères des deux mouvements. Force est de reconnaitre que sans ce procédé, l’œuvre pourrait paraître quelque peu décousue. Des coups de timbale mettent fin à cette nouvelle débauche de violence (le dernier tombe à 31'50). La coda se fait plus apaisante, avec le retour du thème au hautbois.

Pour écouter l’enregistrement qui correspond aux minutages, cliquer ici.


Un conseil discographique ?


Personnellement, j’aime beaucoup la version du São Paulo Symphony Orchestra dirigé par Marin Alsop. La chef anglo-saxonne a super bien compris Prokofiev et la prise de son est vraiment excellente. En plus, c’est à petit prix car édité par Naxos !

Enregistrement Naxos des deux premières symphonies de Prokofiev

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire